La détonation de l’allumeur
embrase le gaz. Une flamme bleue sort du bec du brûleur. Elle est trop forte.
Une légère rotation du détendeur et la flamme arrive à la dimension qu’il me
faut.
Il faut que je brûle mes cordes.
Je ne parle pas de les rendre en cendres. Je ne parle pas de les détruire. Mais
plutôt de les nettoyer par le feu. Rendre en cendres ce qu’elles portent, le
passé qu’elles ont. Mais il ne faut pas se méprendre, je ne veux pas oublier,
effacer, exterminer le passé que mes cordes portent. Loin de cette envie. J’ai
besoin de les nettoyer pour l’avenir.
Les torons glissent sous mes doigts
demi-mètre par demi-mètre. Veillant à bien passer la corde dans la flamme
sortant du brûleur, je sens l’odeur des cheveux, des peaux mortes, des poils,
de la cire, d’un lait corporel. Tous ces souvenirs se relèvent dans un dernier
mouvement de torsion, de combustion, de vaporisation. Mes mains agissent. Mon
esprit s’égard un instant. Présentée souillée, marquée à cette flamme, la corde
ressort propre, nettoyée de ses impuretés. Le noir de la calamine colle aux
torons de la corde. Ce même noir qui était souvenir devient force et protection
pour cette même corde.
Qui veut croire que j’efface un
passé avec un besoin de cendres ? Au contraire, je prépare l’avenir.
J’ai besoin d’avoir des cordes vierges pour attacher de nouveau. J’ai besoin de
ne pas avoir cette odeur de lait corporel, de ce parfum, ou voir ce cheveu
lorsque je m’attèle à une nouvelle œuvre. Par respect en vers la personne que
j’attache, qui va donner une vie à mon envie, je me dois de montrer mon entière
immersion dans l’œuvre en cours.