lundi 22 juillet 2013

Accepter le bruit

Une dure réalité m’a heurté. Le doute m’assaille. Le doute m’emplit. Qu’elle voie ? Le bon chemin ?

Mon kinbaku se perd. Mon kinbaku se transforme et s’égare. Je regarde mes travaux, je ne vois que du brouillon. Je regarde mon modèle et mon travail. Je revois chaque passage de corde. Je repense chaque tension. Je ressens le moment de ce mouvement avec précision. De sa naissance, avec une tension issue du mouvement précédent, à sa fixation qui permettra la naissance d’un autre mouvement. Une joie m’envahit un court instant. Et un brouillon apparaît à mes yeux. Plus rien ne me parle. Je n’arrive plus à trouver le début ni la fin. Un charabia s’expose devant mes souvenirs.

M’excuser est la seule chose que je peux ressortir de mon travail. M’excuser n’est pas la solution. Accepter ce bruit.



13 décembre 2013


Retour après quelques mois de recherches, d’études et d’échanges. Retour sur ce doute qui m’a paralysé.

« Plus on va loin, moins on connait ».

L’apprentissage se fait par l’étude, la pratique, et l’expérience. Les premières progressions sont rapides et s’appréhendent rapidement. Lors de cette étape, nous empruntons des chemins que nous voyons s’étirer de nos pieds vers l’infini. S’étirer vers l’invisible, l’inconnu.

Avec la pratique, les chemins proches de nous deviennent familiers et prévisibles. L’esprit recherche l’exploration du nouveau. Ces chemins qui s’étirent si loin, pourquoi ne pas les emprunter ? Commence alors la découverte de notre monde. Un inconnu tant il est grand. Un ami tant il est proche de nous. Un monde que l’on perçoit sans voir. Un monde que l’on soupçonne sans imaginer.

« Qui sait se borner aura toujours assez ».

Il est temps de progresser avec réflexion, avec recherche et ordonnancement. Chaque chemin nous aspire. Il faut se freiner. Il faut absolument l’arpenter et savoir revenir en arrière. Atteindre une borne. Revenir. Suivre un autre chemin, un peu plus en avant, jusqu’à atteindre une borne. Revenir. Recommencer.

Ce brouillon est toujours près de moi. Il me rappel la difficulté de franchir une marche. Il me rappel la nécessité, avec la perfection que l’on recherche, de progresser dans le sacrifice.

lundi 8 juillet 2013

Ecrire un kinbaku


Je dois t'attacher.

J'ai préparé quelques objets. Mais comment avoir ceux qu'il me faudra durant le temps que nous seront ensemble ?

A quelques mètres de moi, je t'observe depuis quelques heures. De mon sac où se mélangent toutes ces tensions, j'ai sélectionné quelques cordes. Je les ai choisies sachant qu'elles laisseraient quelques traces sur toi. Le tri m'a porté sur ce que j'allais faire de ton corps, de tes articulations, de tes mouvements. J'ai soigneusement posé ces cordes sur le sol suivant un rituel précis, mon rituel... Quelques objets accompagnent ces liens. Je les ai également choisis pour toi, avec ce que j'ai pu lire de toi, en t'observant.

Je dois t'attacher. J'ai besoin de m'exprimer sur toi.

A quelques mètres de moi, je te regarde avec toute la puissance que je vais utiliser pour t'attacher. J'utiliserai cette puissance pour t'avoir. J'utiliserai cette puissance pour te choquer, te faire réagir, te sentir vivre.

Tout prendre de toi. Ton sexe, ta bouche: aucun de tes orifices ne m’intéressent. Ils ne sont pas toi. Je veux tout le reste, tout ce qu'il y a autour. Je veux toi. Je veux tout ce qui te fait vivre: tes organes, tes muscles, ton squelette, ta peau, ton eau, ton sang. Je veux jusqu'à ta respiration.

L'instant est là.

J'utilise ta peau comme un papier. La corde est mon encre. Mon être est ma plume. Notre vocabulaire est notre émotion. Les nœuds et les frictions vont s'assembler suivant une grammaire sans règle établie mais pourtant connue de tous.

Je commence par une majuscule. Tout part de là. C'est l'accroche, l'émotion, le début et l'ouverture de la suite. Le dessin de cette majuscule commence avant le contact, bien avant. Le choix de la lettre que je vais dessiner, de la façon dont cette majuscule va ce dessiner sur tes mouvements je le connais depuis que j'ai su que j'allais d'attacher, quand tout a commencé.

A chaque passage que je dessine, le papier qui supporte mon texte se révèle à moi. Un filigrane est perceptible en relief sous ta peau. Les traces de ta vie, les traces de tes souffrances. Je perçois ces traces dans ma façon de te tenir, dans sa façon de réagir à mes impulsions.

L'encre coule. La tension de ma corde est perceptible sur tes membres, sur les courbes. Des coups de crayons sur ce papier. Une trace unique, sans droit à l'erreur. La recherche de l'écriture parfaite pour ce moment, dans une progression de l'intensité.

Un frottement de la corde, une morsure sur ta peau, un frisson, les pores de ta peau s'ouvrent pour mieux se remplir de cette encre. L'écriture devient grasse et marquée. L'encre, cette corde, se mélange à ton corps. Le papier que j'utilise accepte de transporter mon message. Mes mots se dessinent.

Une foule de mots me vient à l’esprit, une foule d'idées. Je lie mes lettres une à une. Elles se succèdent. Elles se bousculent. Une foule de mots qui se mélange, qui se mêle les uns aux autres.

Mon message est écrit. Je le scelle d'une cire fondue. J'appose mon sceau. J'appose mon point final. Cette écriture liée est figée.

Le monde lira notre message, verra nos envies, comprendra nos respects. Surgira alors notre émotion de cet instant.