"[...]
- Vous partez déjà?
- On est fatigués.
- Dommage. Tout le monde s'amuse. [...] Et c'est juste le début.
- Vous êtes qui ?
- Un esprit affranchi. Avec un grand geste du bras pas lequel il englobe la clientèle du Club. "Comme eux".
De ma bouche ne s'échappe aucun mot, mais dans ma tête, ma réplique est cinglante. Je n'en peux plus de ce discours entendu mille fois, que j'ai moi-même tenu à une époque où j'étais plus exalté ou simplement plus naïf. Oui, oui, oui, dans ce genre d'endroit on n'en à rien à branler des tabous, on joue avec, on les moque, on les méprise et l'on méprise aussi la bonne société, répressive et sectaire. Et par la démonstration d'une curiosité sans limites, d'une ouverture d'esprit, d'une audace à aller au-devant du sombre, de l'organique, du prohibé, du sale, à explorer les limbes qu'elle n'ose pas approcher, on lui prouve qu'elle ne contrôle rien, et nous encore moins. Qu'au fond, on lui est supérieurs, parce qu'on sait et qu'on peut, nous. Alors qu'on nous lâche la grappe, bla, bla, bla et qu'importe la manière de prendre son pied, si on ne fait de mal à personne, ha, ha, ha.
De la merde, c'est tout.
Pas plus ici que dans le monde
vanille, celui des pauvres cons rétifs aux délectables violences du
subspace, la liberté n'existe pas. Objet ou sujet, l'autre est enfer nécessaire, il nous enchaîne à lui. Faire fi de l'interdit implique son existence. Sans interdit, impossible de se penser en affranchi, à moins de devenir la norme et la norme, c'est la fin garantie de toute forme de licence. Et que dire de nous-mêmes, de nos vies, de ce qu'elles nous réservent, nous sommes tous prisonniers de nos propres expériences.
Libre, quelle blague.
Notre autojustification acrimonieuse d'anars de la fesse marquée n'a guère plus de valeur que les tartufferies moralistes des réacs de la vertu. Tous nous manifestions la même arrogance intolérante et planquons notre dictatorial égoïsme derrière de belles postures. La baise, c'est le miroir magique de l'humanité. Le comprendre peut faire peur, mal ou soulager, tout dépend du reflet, mais il est inutile de se voiler la face, le sexe réveille nos failles et nos limites, bien réelles, inaltérables et infranchissables. Le reste, c'est du vent. On est comme on nique et on est ce qu'on nique, rien de plus.
Mais je ne suis pas d'humeur à expliquer tout cela [...]"
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Lykaia, DOA